Emanuele Balestra
Emanuele Balestra
Il n’est ni chimiste ni alchimiste : « Je suis barman », dit sans hésiter Emanuele Balestra, 37 ans. Il est directeur du Bar Le Fouquet’s Cannes au Majestic. Mais ses cocktails sont le résultat d’un long et aventureux voyage qui a commencé il y a de nombreuses années en Italie, en passant ensuite par les jardins du Maroc. Originaire de Lombardie, Balestra associe des saveurs et des arômes cueillis, attrapés ou glanés dans le potager pour en faire des cocktails brillants. Les saisons, les parfums, les niveaux d’acidité, les humeurs changeantes, les herbes et les fleurs – tout cela fait partie de son univers créatif. Mais à quoi pense-t-il vraiment ? Extraire l’essence. Tout comme un peintre qui crée ses couleurs, Balestra possède sa propre palette de saveurs sous forme d’extraits qui suivent les saisons.
Pour lui, la création d’un cocktail est un processus qui commence très en amont – une longue période de préparation qui consiste à séparer les éléments de goût et de saveur. « Les réunir demande de l’intuition et de la créativité – il faut une sorte de laboratoire ». Un laboratoire. Nous y voilà. Emanuele Balestra a son coin à lui, sous les combles de l’Hôtel Barrière Le Majestic : c’est là qu’il trie, observe et hume le parfum des herbes et des fleurs cueillies le jour même. Il aime cet espace hors des sentiers battus, dit-il, « je peux apprendre et transmettre ce que je sais ». Il poursuit : « Je me sens chez moi ici, avec les tapisseries anciennes préservées qui en disent long sur l’histoire de l’hôtel. Je me sens bien de travailler juste en dessous de mon paisible jardin sur le toit ». L’Hôtel Barrière Le Majestic possède deux potagers – ou jardins d’herbes aromatiques. L’un le long de la terrasse en face de La Croisette et l’autre « au sommet du toit ». Emanuele Balestra s’y rend chaque jour pour trouver l’inspiration de ses créations.
Il déshydrate, infuse, aromatise…. plantes en gelées, glaçons, sirops et bitters. Marjolaine, mélisse, angélique, rhubarbe, verveine, sauge, camomille romaine, thym de Jamaïque, géranium rosat…. S’agit-il d’un herbier ? Non, juste des compagnons quotidiens d’Emanuele Balestra. De retour du jardin sur le toit, il parle de « la brise marine salée qui flotte sur la mélisse », qui aide à la pollinisation et « embrasse doucement » les quatre ruches « qui offrent leur abondance de miel ».
Loin de l’habituel « vite secoué » ou « vite remué », un cocktail Balestra est le fruit d’une longue et patiente attention. Prenez par exemple celui à base de fleur d’oranger ou de fenouil. Le maestro Balestra ajoute les saveurs goutte à goutte avec une infinie sagesse, ajoutant l’exubérance avec modération.
Avant même de prendre une cuillère, un shaker, un grand verre ou une flûte, il prend son outil favori – une paire de ciseaux, qu’il utilise dans le jardin sur le toit. Il sélectionne délicatement ses ingrédients – herbes, feuilles – et en extrait des saveurs étonnamment nuancées. Emanuele Balestra est un homme passionné et peu loquace qui aime partager certains de ses secrets. Le Sakychamp, par exemple (inspiré d’une association de saveurs du Japon) : Sake Bijofu Junmai (4cl) secoué avec de la marjolaine fraîche et complété par du champagne (11cl). Ou encore des glaçons sphériques à la verveine « encore à l’état de projet ».